Tribune du 22 avril 2022 parue dans Le Monde

Nous retranscrivons cette tribune de Culture et universalisme, avec sa liste de signataires, parue récemment sur le site du Monde.fr

Nous, artistes et acteurs du secteur culturel, tenons à lancer une alerte concernant la marginalisation des enjeux des arts et de la culture dans une campagne électorale qui a rendu spectaculaire l’incapacité politique à insuffler du sens aux politiques culturelles.

Nous pouvons sans complexe nous poser la question : existe-t-il encore une politique culturelle en France, ou même un désir de politique culturelle ?

Omniprésente, l’extrême-droite ne propose rien d’autre que le remplacement de la culture et de la création par un culte frelaté du passé, la réduction de la culture à un protectionnisme maladif, où domine non pas l’esprit de rencontre mais celui du « choc des civilisations »

Le peu de fois où le sujet est abordé dans les programmes, c’est de façon le plus souvent quantitative : toujours plus de numérique, plus de public, plus d’établissements, d’évènements… Mais quelle vision sous-tendent tous ces chiffres ? Telle est la vraie question. Un tel vide installe la désagréable sensation qu’il s’agirait d’abandonner l’art et la culture aux lois du marché, au divertissement, et peut-être aussi aux effets pervers de la Covid (culture à distance, représentations ou diffusion sur les plateformes), dans le secteur du cinéma mais aussi dans l’édition, dans l’audiovisuel… Dans le domaine de l’enseignement (musical, par exemple), beaucoup de conservatoires se voient évacués des structures nationales, renvoyés aux collectivités locales, bientôt au privé ?

Ce vide donne l’impression que le service public (comme ailleurs) se désengage, quand il ne se vassalise pas par rapport à des lobbys, souvent identitaires, pratiquant l’intimidation et la censure a priori, et qui semblent avoir pris le dessus sur toute vision d’intérêt général. De nouvelles pressions déplacent l’exigence artistique vers des conceptions consuméristes, prédigérées, régressives. Pourtant, si « avec la culture on ne mange pas… la culture ne se mange pas », écrivait Dario Fo !

 Et ces nouveaux critères tacites s’installent insidieusement dans nos têtes, voire dans certaines institutions culturelles. Il n’y a qu’à consulter les dossiers de demandes de subvention, où règnent à ce sujet le quantitatif et la déclaration d’intention.

Longtemps, on a cru qu’on pouvait s’adresser au ministère pour aider à promouvoir des spectacles ou des œuvres de création, d’expérimentation, de recherche, de dépassement. C’est de moins en moins vrai, tant aux principes qui avaient été développés et mis en œuvre dans notre pays jusqu’à il y a quelques années s’est substituée une forme de navigation à vue, de repli et de « pas de vagues ».

Bien sûr, ces créations nouvelles, modernes, ne sont pas toujours les plus rentables, mais justement, c’est le rôle du service public de les défendre. Si l’on compte sur le courage des programmations pour le faire, on risque d’être déçu.

Il ne s’agit évidemment pas de créer un « art officiel », mais d’aider un art authentique, c’est-à-dire qui cherche, qui bouscule, qui change les lignes, qui imagine vers l’avant, qui promeut le partage et la découverte plutôt que l’anathème. Beaucoup de jeunes artistes se sentent en ce moment très seuls.

Créons les conditions du développement d’un art libre qui est là où on ne l’attend pas. Redonnons un contenu à la création, un élan à la découverte de territoires artistiques vierges, tout en défendant les œuvres du passé contre la vindicte de la culture de l’effacement et du bannissement. Résistons à la commercialisation de l’art, sans être nostalgiques. L’art résistera toujours, car il est inscrit en l’homme. Le véritable artiste ne fera jamais ce qu’on lui demande de faire, ou ce que « l’officialité » quelle qu’elle soit lui demande de faire.

Nurith Aviv, réalisatrice

Isabelle Barbéris, universitaire, dramaturge

Abraham Bengio, Président de la commission Culture de la LICRA

Charles Berling, acteur et metteur en scène

Irène Bourdat, soprano, comédienne et universitaire

Xavier Bussy, compositeur

Morena Campani, réalisatrice

Belinda Cannone, écrivain, universitaire

Elise Capdenat, scénographe

Christophe Carrière, journaliste, auteur

John Caroll, éclairagiste scénographe

Patrice Caurier, metteur en scène

Serge Castelli, régisseur de spectacle vivant

Christiane Cohendy, comédienne

Claude Coste, universitaire

Serge Coste, professeur de conservatoire

David Christoffel, artiste, chercheur

Sylvie Debrun, comédienne

Anne Deschaintres, costumière

Muriel Delamotte, scénographe, designer costumes, enseignante

Jean-Philippe Domecq, écrivain, peintre

Olivier Dhénin, metteur en scène, écrivain

Camille Dugas, scénographe

Pascal Dumay, pianiste

Frédéric Durieux, compositeur

Jean-Max Dussert, clarinettiste

Véronique Fèvre, clarinettiste

Nathalie Feyt, comédienne, assistante à la mise en scène et professeur de théâtre

Christophe Fiat, écrivain, metteur en scène

Ami Flammer, violoniste, professeur au CNSMDP

François Frimat, philosophe, président du Festival Latitudes contemporaines

Gérald Garutti, écrivain et metteur en scène

Aline Girard, conservatrice générale des bibliothèques

Françoise Gomez, inspectrice d’académie honoraire Lettres-Théâtre, APTAR

Simonetta Greggio, romancière

Gérald Grünberg, comité français du programme Unesco Mémoire du monde

Marc Hajjar, chef d’orchestre

Frédéric Laroque, violon-solo de l’opéra national de Paris

Marie Le Garrec, chef décoratrice, chef costumière

Moshe Leiser, Metteur en scène

Éric Laugerias, comédien et metteur en scène

Antoine Leperlier, sculpteur

Anna Marcuzzi, directrice de médiathèques

Jean-Louis Martinelli, metteur en scène

Jean-Yves Masson, écrivain, éditeur, traducteur, universitaire

Michel Masson, peintre, sculpteur

Fabienne Maître, professeure

Marie-Madeleine Mervant-Roux, directrice de recherche émérite au CNRS

Jean-Marc Mojica, avocat

Philippe Morier-Genoud, acteur

Franck Neveu, Professeur des universités

Xavier North, Inspecteur général des affaires culturelles

Jacques Osinski, metteur en scène

Jean-Claude Pennetier, pianiste

Béatrice Picon-Vallin, directrice de recherche émérite au CNRS

Catherine Pietri, comédienne

Kledis Rexho, violoniste

Christian Robin, auteur, enseignant-chercheur à la retraite

Elie Semoun, humoriste, acteur, réalisateur

Jean-Pierre Sakoun, éditeur numérique

Benjamin Sire, compositeur, journaliste

Laurent Spielmann, directeur d’opéra, directeur artistique

Géraldine Sroussi, réalisatrice

Véronique Taquin, réalisatrice, écrivain, enseignante

Chantal Thomas, scénographe pour le théâtre et l’opéra

Jean-Claude van Dam, Conservateur général des bibliothèques

Nadine Vasseur, directrice de festival, auteur

Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie Française

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